L’anthropologie

Depuis la mission de novembre 2015, l’étude anthropologique des restes osseux épars et des sépultures de la nécropole de Kôm Abou Billou a été confiée à Mélie Le Roy (UMR5140, ASM, Montpellier 3), spécialiste du domaine et plus particulièrement des individus immatures.

De manière générale, très peu de travaux sur les pratiques funéraires romaines en usage dans le Delta égyptien ont pour le moment été réalisés. Les habitants de cette région étaient jusqu’ici surtout connus par l’épigraphie ou les sources écrites. En effet, bien que la nécropole de Kôm Abou Billou ait fait l’objet de fouilles en 1935 puis dans les années 1970, les vestiges humains n’ont jamais été analysés et ont aujourd’hui disparu. Ainsi ce travail apporte des données anthropologiques et archéo-thanatologiques inédites pour la période romaine dans le delta égyptien.

La fouille fine de chaque sépulture, suivant les principes de l’anthropologie de terrain, nous permet de reconstituer l’appareil funéraire et de définir les pratiques funéraires selon l’âge au décès, le sexe.

Les différentes étapes de la fouille de la sépulture 30007

La reprise des fouilles de la nécropole depuis 2014 est aussi une opportunité unique d’aborder le sujet de l’estimation de l’âge au décès et de la diagnose sexuelle des individus immatures. En effet, le site présente la particularité de livrer des stèles funéraires dont l’inscription renseigne l’âge du défunt, ainsi que son nom et donc son sexe. La découverte de stèles associées directement aux sépultures permettra de documenter de potentielles différences entre l’âge chronologique (inscrit sur la stèle) et l’âge biologique (livré par l’étude des corps). Les vestiges humains retrouvés à Kôm Abou Billou présentent une conservation exceptionnelle ce qui laisse présager des conditions optimales pour l’établissement de nouveaux protocoles d’étude concernant l’estimation de l’âge au décès et de diagnose sexuelle.

Sépulture collective comprenant quatre individus

Parmi les sépultures mises au jour jusqu’à présent dans la nécropole romaine, aucune différence majeure ne semble apparaitre concernant la position du corps (sur le dos les membres en extension), le type de contenant (linceul) ou la présence d’une monnaie dans la main de chaque défunt (« obole à Charon »). Toutefois nous avons pu observer quelques différences comme l’orientation du corps (tête à l’est ou à l’ouest) et l’existence d’un dépôt individuel primaire (un seul corps dans une unique structure et déposé en une seule fois) et d’un dépôt collectif primaire (plusieurs corps déposés dans un structure unique au fur et à mesure des décès). Parmi ces sépultures, nous avons pu identifier aussi bien des individus adultes (uniquement féminins) que des immatures.

Deux autres sépultures ont été découvertes, à l’intérieur du mur d’enceinte du temple de la ville, qui avait probablement perdu sa fonction première. Il s’agit de deux inhumations individuelles primaires, d’un homme adulte très âgé (supérieur à 60 ans) et d’un individu immature âgé de 7 à 14 ans. Contrairement aux sépultures décrites précédemment aucune pièce de monnaie n’a été retrouvée accompagnant les défunts, rendant leur datation plus difficile. Notre hypothèse, dans l’attente de la poursuite des fouilles, est qu’il s’agit de sépultures postérieures au III^e s. de notre ère, installées à l’intérieur de l’enceinte du temple après l’abandon de celui-ci.